Coronavirus ou crise économique ? Le dilemme des congolais

Article : Coronavirus ou crise économique ? Le dilemme des congolais
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23 mars 2020

Coronavirus ou crise économique ? Le dilemme des congolais

Fin 2019, la ville chinoise de Wuhan enregistrait son premier cas de contamination au Covid-19, une maladie qui, par la suite, a été déclarée pandémie mondiale par l’Organisation Mondiale de la Santé. Trois mois et plusieurs milliers de morts plus tard, la République démocratique du Congo est également touchée par la pandémie. Trente-six cas sont déjà enregistrés dans la ville de Kinshasa annonce le Ministère national de la Santé.

Une situation qui a poussé Félix Tshisekedi, Président de la RDC, à annoncer, dans un message à la nation le 18 mars dernier, la mise en place de plusieurs mesures visant à réguler l’accès sur le territoire national ainsi que les rassemblements populaires afin d’éviter la propagation du virus. Outre la fermeture des écoles, universités, églises, bars et restaurants, il a été décidé de suspendre les vols en provenance des pays à risque et de procéder à des tests aux frontières du pays et dans les aéroports. Des mesures qui sont diversement appréciées par les habitants de Bukavu, une ville située à l’est du pays.

La pauvreté, première cause du non-respect des mesures

Pour certains habitants, les recommandations du Président doivent être suivies par tout le monde. « Si une personne se présente, on peut la servir mais nous refusons d’accueillir des individus qui viennent en groupe », confie le gérant d’un restaurant de la ville. « Nous avons placé de l’eau chlorée à l’entrée. Chaque client doit se laver les mains avant d’entrer. Également, nous respectons le nombre fixé pour les rassemblements. Nous avons même modifié la disposition de nos meubles pour respecter la distance d’au moins un mètre imposée par le Président », annonce Pierre Ngwapitshi, chef d’agence d’une banque commerciale de la place.


Si la décision a été respectée par certains, d’autres habitants refusent de s’y conformer. « Ils me demandent de ne pas me rendre au marché. Que dois-je alors faire pour vivre ? » s’interroge un vendeur rencontré ce matin au marché de Nyawera. Il a fallu une intervention des services de sécurité pour faire respecter la mesure dans certaines églises le dimanche. Des images de l’arrestation par les services de sécurité d’un célèbre pasteur de la ville de Bukavu qui a refusé d’obtempérer après l’intervention de la police ont même fait le tour des réseaux sociaux.

Une crise économique en gestation

Dans une tribune, Augustin Mutabazi, professeur à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université Catholique de Bukavu, alertait sur les conséquences des mesures du chef de l’État sur l’économie du pays. « À court terme, il y aura perte d’emplois, perte des revenus, perte du pouvoir d’achat, baisse de la consommation et diminution des recettes de l’État », écrivait-il. Une situation confirmée par Pierre Ngwapitshi : « Nous avons constaté que le nombre des retraits ont sensiblement augmenté ces derniers temps. Tous nos clients qui s’approvisionnent à l’étranger sont bloqués actuellement. Comment vont-ils rembourser les crédits qu’on leur a accordé ? D’autres clients ne remboursent pas les crédits car leurs stocks ne s’écoulent pas. Il s’observe également une hausse sensible des prix des produits de première nécessité sur le marché », dit-il.

Des solutions sont toutefois proposées afin de faire face à cette crise économique en gestation. « Je proposerai au gouvernement de nous accorder des subventions pour qu’on puisse compenser les pertes que nous connaissons actuellement. Également, nous sollicitons des exonérations pendant une certaine période après cette crise », propose le gérant du restaurant. Sans pour autant dédouaner le gouvernement de sa responsabilité, Pierre Ngwapitshi estime que le gouvernement n’a pas les moyens de faire face à cette crise et appelle à un élan de solidarité. « Avec le budget qui est le nôtre, le gouvernement ne sera pas en mesure de faire face à cette crise. Il suffit de voir comment les malades sont pris en charge à Kinshasa pour comprendre que le gouvernement n’a pas les moyens nécessaires », estime ce banquier.

Depuis plus de trois mois, le coronavirus sévit dans plusieurs pays du monde, occasionnant plus de 8 000 morts selon l’OMS. Plusieurs règles d’hygiène sont proposées par les experts afin d’éviter la propagation de la maladie. Se laver régulièrement les mains, éviter des contacts corporels entre personnes ; observer une distance d’au moins un mètre lors des échanges entre individus ; se couvrir le visage avec un masque en cas de contamination ; tousser à l’intérieur du coude, etc. Telles sont les règles d’hygiène à adopter au cours de cette période de confinement où chacun est appelé à rester chez lui.

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