Covid-19 : En RDC, crise sanitaire et crise politique font bon ménage

Article : Covid-19 : En RDC, crise sanitaire et crise politique font bon ménage
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27 avril 2020

Covid-19 : En RDC, crise sanitaire et crise politique font bon ménage

Fin 2019, la ville chinoise de Wuhan enregistrait son premier cas de contamination au coronavirus, une pandémie qui affectera plusieurs autres pays du monde par la suite. Quatre mois et plusieurs millions de contaminations plus tard, la République Démocratique du Congo ne fait pas exception à la règle avec plus de 400 cas déjà enregistrés parmi lesquels 28 morts. Une situation qui a poussé Félix Tshisekedi, Président de la RD Congo à prendre une série des mesures en vue d’éviter la propagation du virus à travers le pays. Des décisions qui ont suscité un débat houleux entre hommes politiques congolais faisant de l’actuelle crise sanitaire un enjeu politique de taille.


Dans un discours prononcé le 17 mars dernier, Félix Tshisekedi annonçait plusieurs restrictions visant à limiter le déplacement des citoyens ainsi que tout regroupement de plus de vingt personnes afin de mettre fin à la propagation du virus. Il s’agissait de la fermeture des églises, écoles, bars, etc., ainsi que la suspension des vols provenant de tous les pays à risque. Une semaine plus tard, un autre discours du chef de l’État décrétait l’état d’urgence sanitaire. Cette dernière décision fût la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, le Président du Sénat ayant, lors d’une émission, laissé entendre que le Président avait violé la constitution en décrétant cet état d’urgence sanitaire sans avoir fait appel au congrès. Une telle infraction peut valoir au Président la destitution pour haute trahison.

Une occasion de destituer le Président actuel

Felix Tshisekedi est obligé de travailler en coalition avec les membres du régime qu’il a combattus pendant trente-six ans car il ne dispose pas de la majorité parlementaire. Les partenaires de circonstance de Félix Tshisekedi trouvent en chaque déraillement de celui-ci une occasion de le destituer afin de reprendre totalement le pouvoir qui était le leur il y a plusieurs mois. Alors que les Présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale, tous proches de l’ancien Président, convoquaient le congrès pour, disaient-ils, « revenir à l’ordre constitutionnel et offrir une couverture légale à la décision du Président proclamant l’état d’urgence sanitaire », les membres de l’actuel parti présidentiel ont reproché à ces parlementaires, de vouloir utiliser ce congrès pour destituer le Président actuel afin de garantir le retour de Joseph Kabila au pouvoir.


Après plusieurs jours de débat, c’est finalement la Cour constitutionnelle, instance habilitée à interpréter les lois qui viendra conforter le Président de la République dans sa position. Contrairement à ce qu’avait laissé entendre le Président du Sénat congolais, la cour constitutionnelle a, dans un arrêt rendu le 14 avril 2019, estimé que la décision du chef de l’État proclamant l’état d’urgence sanitaire était conforme à la constitution. Cet arrêt de la cour n’appelant à aucun débat, on a ainsi évité la crise politique que cette crise sanitaire aurait engendré.

Les crises sanitaires, un enjeu politique en RD Congo

Si la crise sanitaire créée par la pandémie du coronavirus a été utilisée comme un élément déclencheur d’une crise politique, elle est, en réalité, un arbre qui cache une forêt des crises utilisées dans le même sens. Déjà en 2018, alors que les congolais s’apprêtaient à aller se choisir des nouveaux dirigeants, les populations des villes de Beni et Butembo situées à l’Est du pays, ont été interdites de participer aux élections, les autorités de l’époque ayant estimé que le virus Ebola se propagerait rapidement si les gens allaient voter. Une décision qui avait été dénoncé par plusieurs observateurs estimant que cette interdiction visait en réalité à réduire le nombre des voix d’un candidat qui était très populaires dans ces circonscriptions électorales. A ceci on peut ajouter les différents mouvements rebelles au Kasaï qui ont également retardé le processus électoral de quelques mois.


Dans un pays où la crise sanitaire a révélé plusieurs failles du système de santé et de plusieurs autres secteurs du pays, le débat entre acteurs politiques cherchant à tout prix à conquérir le pouvoir dans les conditions actuelles ne peut que surprendre. Les acteurs congolais sortiraient grands de cette crise s’ils pouvaient proposer des solutions en vue de faire face aux dégâts de ce virus dans des secteurs comme l’économie, la santé, l’éducation, etc. Pourvu qu’ils sachent se passer de leurs égos et s’occuper, pour une fois, du peuple vers qui ils ne recourent que quand il faut solliciter le suffrage.

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