Au Congo, la différence ne doit pas être une tare

Article : Au Congo, la différence ne doit pas être une tare
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21 février 2021

Au Congo, la différence ne doit pas être une tare

Après quelques semaines d’attente, la République Démocratique du Congo connaît le nom de son nouveau Premier ministre. Directeur de la plus grande entreprise minière du pays jusqu’à sa nomination, Jean-Michel Sama Lukonde remplace Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Ce dernier est proche de Joseph Kabila. Sa nomination a été accueillie avec bienveillance. Mais c’est surtout sa promesse de faire la part belle aux jeunes et aux femmes dans son gouvernement qui a fait les choux gras des réseaux sociaux.

Deuxième plus jeune Premier ministre du pays après Patrice Lumumba, la nomination de Sama Lukonde a suscité énormément d’espoirs chez les jeunes. «Les vieux doivent nous céder leurs places», disaient certains pendant que certaines femmes réclamaient une forte présence féminine dans le gouvernement. Très présent sur les réseaux sociaux et au-delà, le débat sur l’âge et le sexe des futurs membres du gouvernement congolais porte en lui les germes de la discrimination. Se plaignant d’être souvent mis à l’écart par les « vieux », les jeunes et les femmes veulent donc à leurs tours discriminer ceux-ci. Voilà que l’opprimé, comme le disait Frantz Fanon, tient à occuper la place de l’oppresseur.

Quid des autres groupes marginalisés ?

En plein XXIe siècle, l’ère ou le sexe ne devrait aucunement être considéré comme une tare ou un avantage. Devenu président à 29 ans, Joseph Kabila a, 18 ans plus tard, quitté le palais présidentiel en laissant derrière lui un pays politiquement, économiquement et socialement exsangue. Préférant faire plaisir à « l’autorité morale » au mépris des aspirations de la population, Jeanine Mabunda a réussi à faire du Parlement congolais le ring où les hommes politiques congolais s’échangeaient régulièrement des coups, au sens propre et au sens figuré du terme. Bien que ces deux exemples ne soient pas représentatifs, ils démontrent, si besoin était, que l’âge et le sexe ne doivent pas être considérés comme des critères déterminants pour accéder à un poste de responsabilité.

Que des jeunes et des femmes expriment l’envie de servir leur pays ne peut qu’être salué. Mais de là à exiger la mise à l’écart des vieux hommes au mépris du critère des compétences n’est que pire égoïsme et grave erreur de casting. Au lieu de rechercher à remplacer une génération par une autre, un sexe par un autre, insistons plus sur la compétence et la bonne moralité. Recrutons simplement des agronomes, des médecins, des économistes, des ingénieurs et toutes les bonnes volontés qui disposent des atouts dont le pays a besoin pour son développement, quels que soient leurs âges et leur sexe. Quid des personnes vivant avec handicap, des albinos, des pygmées ou de toute autre couche de la population qui s’estime discriminée ? Comment répondre aux attentes de tous les oubliés de la République dans un gouvernement de moins de 50 personnes ?

Promouvoir la diversité

La charte africaine de la jeunesse définit un jeune comme toute personne dont l’âge varie entre 18 et 35 ans. Que Sama Lukonde, un homme de 43 ans, soit considéré comme jeune est en soi une erreur dans un pays qui a ratifié ladite charte. Quid des hommes âgés de plus de 45 ans, qu’on retrouve dans les ligues des jeunes de nos partis politiques ? Des évidences qui rendent la notion de la jeunesse ambiguë et subjective. Remplacer un vieux compétent par un jeune ou une femme moins compétent que lui au nom d’une représentativité factice ferait réfléchir toute personne. Si la compétence et la capacité à servir n’est pas lié à la vieillesse, pourquoi serait-elle liée à la jeunesse ou au sexe féminin. L’intelligence n’étant pas une compétence préinstallée dans les muscles ou dans le vagin.

Nier les discriminations dont sont victimes les jeunes et les femmes en République Démocratique du Congo relèverait ainsi uniquement de la mauvaise foi. Dotés d’intelligence et des compétences, plusieurs femmes et jeunes congolais ont du mal à accéder aux postes de responsabilité dans un pays dominé par des vieux hommes et femmes incompétents. Mettre fin à toutes ces formes de discrimination et permettre à tous les fils et filles du pays dont la compétence et la bonne moralité sont avérées de servir leur pays serait un grand pas dans la bonne direction.

En essayant de trouver la parfaite combinaison de l’énergie de la jeunesse et de l’expérience de la vieillesse, des particularités des femmes et celles des hommes, on formerait alors une société plus égalitaire. Cela passe par l’accès pour tous à l’éducation, atout permettant à chacun de se doter des compétences nécessaires pour aspirer à un poste de responsabilité. Jean-Michel Sama Lukonde ferait preuve de sagesse s’il faisait la part belle à la compétence et la bonne moralité plutôt que de privilégier une génération par rapport à une autre. Cela ne fera qu’attiser la braise qui alimente les conflits des générations qui ne nous ont apporté que ruine et exclusion jusque-là.

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